La Vague

La frontalité de cette composition, la dimension de la vague et le fond rouge menaçant confèrent à ces femmes hurlantes une force qui écrase le spectateur. Leur cris est aussi celui de l’artiste. Artiste incompris, il porte son accusation désespérée contre une société hostile qui ne lui accorde pas le statut qu’il revendique.

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A la fin du XIXe et au début du XXe siècle se développe en Suisse une modernité parallèle aux courants dominants en Europe. Le succès que rencontrent les ouvres symbolistes présentées par Ferdinand Hodler aux différents Salons parisiens auxquels il est invité à partir de 1892 n'est pas un facteur isolé et, si Genève reste réticente à des thématiques et à des expressions qu'elle juge choquantes dans leur mysticisme, le mouvement suscite néanmoins des adeptes. Parmi eux, Carlos Schwabe - émigré de son Allemagne natale après la guerre de i 870, établi à Genève où il recevra dès 1882 une formation de dessinateur à l'Ecole des arts industriels - élabore un oeuvre pictural d inspiration littéraire étroitement lié à son activité d'illustrateur. En témoigne "La vague" ("La mer"), une huile spectaculaire, sans doute inspirée des "Paroles d'un croyant" de Hugues Félicité Robert de Lamennais, où la houle menaçante est personnifiée par un groupe pyramidal de femmes composant une masse crépusculaire violacée, à peine éclairée par le rougeoiement d'un ciel annonciateur de cataclysme; visages torturés, yeux exorbités et bouches ouvertes, bras levés et inains crispées sont de pures métaphores de l'angoisse.