De l'arnaque à la décapitation

Carte blanche donnée à l'historien de l'art Jean-Hubert Martin, l'exposition Pas besoin d'un dessin revisite la collection du MAH de manière aussi originale que réjouissante. Le parcours d'une vingtaine de salles thématiques inclut un chapitre intitulé "De l'arnaque à la décapitation" que le commissaire introduit ainsi dans le catalogue de l'exposition:
"Est-ce vraiment un hasard s’il y a dans ce musée tant de décapitations? Judith et Holopherne, Salomé et saint Jean-Baptiste, David et Goliath et autres peintures d’histoire…
L’affaire commence par une tricherie que révèle Joueurs de cartes et diseuse de bonne aventure de Nicolas Régnier. À gauche, l’homme en armure prépare une carte pour la joueuse devant lui, alors que l’autre joueuse lorgne ostensiblement le jeu de son voisin. Ce genre d’arnaque, tout comme le vol à l’étalage, termine le plus souvent par une rixe (Félix Vallotton, Utagawa Kunisada), jusqu’à ce que la police intervienne (Théophile Alexandre Steinlen, Vallotton, Benjamin Vautier) et jette à coups de pied le malfaiteur en prison (Vallotton, Piranèse). Une porte, des chaînes et des menottes évoquent la dureté de l’incarcération (Jean-Pierre Saint-Ours, Francisco de Goya). La vie carcérale comporte quelques maigres consolations: une mère montre son enfant au détenu par les barreaux (Jacques Alfred van Muyden), un moine prie pour le salut de l’âme du condamné (Jean-Léonard Lugardon) et une fille dévouée vient donner son sein à son père affamé (Luca Ferrari). Une fois la sentence de mort prononcée, reste le choix de la méthode.
La décapitation par l’épée de justice avait lieu en place publique (Frank Édouard Lossier, Jean-Henri Demole), alors qu’avec le temps, après la Révolution française, la guillotine s’est faite plus discrète. Reste la pendaison que privilégiait le duc d’Albe parmi ses cruautés (Frans Francken).
Durant la période classique, les peintures relatant des mises à mort contemporaines sont rares. C’est par le biais des récits bibliques que s’expriment les craintes et les fantasmes de l’assassinat passionnel par décapitation. Après avoir tué Goliath d’un jet de fronde, David lui prend son épée gigantesque et s’en sert pour le décapiter, avant de parader avec la tête du géant à la main (Pietro Novelli). Alors que le général Holopherne assiégeait la ville juive de Béthulie, où l’eau vint à manquer, Judith décida avec sa servante d’aller rencontrer le général ennemi et de lui apporter des cruches de vin. Séduit par sa beauté, il organisa un banquet, à la fin duquel, après l’avoir enivré, elle lui coupa la tête (Cristofano Allori, Saint-Ours).
La scène qui lui fait pendant est celle de Salomé qui danse avec tant de charme devant le roi Hérode qu’il lui promet d’exaucer son vœu le plus cher. Elle lui demande alors pour plaire à sa mère Hérodiade la tête de l’opposant saint Jean-Baptiste que le roi avait fait emprisonner. Salomé apporte à sa mère la tête de la victime sur un plateau.
Les deux scènes sont si proches qu’il est parfois difficile de décider de laquelle des deux, de Judith ou d’Hérodiade, il s’agit. La tête coupée du martyr est habituellement représentée sur un plateau avec une certaine retenue (Guido Reni), alors qu’au XIXe siècle la tête coupée devient sanguinolente dans la suite de Théodore Géricault. L’iconographie de la décapitation ne se limite pas à la tête séparée du corps, mais s’empare également du tronc privé de chef qui se réfère en fait plus aux statues antiques trouvées telles quelles lors de fouilles archéologiques."
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Autour d’une armure miniature de la collection Revilliod
