Tout l'œuvre de Henri Presset s'inscrit autour de la figure humaine. Le corps, féminin principalement, est le noyau où s'exprime "l'intense sensibilité de Presset à la poétique - existentielle, littéraire, plastique - d'où surgit toujours l'œuvre, qui n'est pas donnée d'avance, mais se dégage lentement, dans le progrès de ce qui la porte : par exemple la quête des formes intérieures dans lesquelles l'imaginaire se promène." (R.M.Mason)
Précédée de nombreux croquis (dont l'un porte l'annotation suivante : "Cette figure est le départ d'autres sculptures / Faire entrer la tête dans le bloc"), cette pièce représentant une femme couchée sur le dos fut initialement exécutée en fer et en taille plus réduite. Presset décida ensuite de l'agrandir de deux fois et demie et de la réaliser en acier corten, un acier auto-patiné à corrosion superficielle forcée et résistant aux conditions atmosphériques.
Figure de concision, noyau solide construit de lignes verticales et horizontales, cette sculpture concentrée, centripète, "livre à la fois sa forme et son fond" (A. Corboz) ; c'est du "dedans" que s'extrait la ligne, tranchante et rigoureusement structurée, à la fois fruit d'un rapport de forces intérieures et génératrice de l'articulation des volumes. Ces derniers se définissent dans les limites définies du bloc (le support) et selon leur propre rythme organique. La masse, constituée de formes géométriques simples entre lesquels pénètre la lumière comme dans une faille, génère la détermination d'un espace physique, étalon de mesure en relation avec son environnement, et paradoxalement contient une énergie et un espace en creux, siège de l'âme, de l'esprit et de la sexualité. Pour Presset, "une sculpture, c'est une présence matérielle, intérieurement creusée, permettant un cheminement vers cette reconnaissance de notre mystère intérieur".
Stéphane Cecconi