Koka Ramishvili est un artiste véritablement polymorphe, utilisant tous les médiums à sa disposition avec une égale maîtrise, bien qu'il ait été formé dans sa Géorgie natale comme cinéaste. Cette multiplication des stratégies apparaît comme un moyen pour mieux cerner son sujet depuis autant d'angles possibles : l'image, son statut, ses enjeux et sa portée dans le monde actuel. Pour « Vermillon Extaze », c'est par le biais de la peinture que l'artiste aborde le portrait ; a priori, quoi de plus banal qu'un portrait, a fortiori un portrait d'enfant ? Evitant le kitsch et le sentiment de déjà-vu, il distille un sentiment d'étrangeté grâce à un procédé d'éloignement très particulier : le garçon n'est pas représenté de face et ne regarde pas le spectateur ; il est en effet placé de biais, subissant une manipulation optique intitulée « anamorphose », de sorte que le spectateur doive se déplacer pour tenter de reconstituer le visage. L'artiste évite ainsi à la toile de se transformer en fenêtre, comme le veut une solide tradition picturale. Pour renforcer la mise à distance du spectateur, l'artiste reprend la couleur de la peau du garçon et vient la faire déteindre sur toute la surface de la toile : le sujet représenté et la toile viennent se confondre, la carnation du garçon se transforme en couche de fond. L'artiste attire notre regard sur l'artificialité de toute représentation : ce visage d'enfant, aux yeux si bleus et aux vermillons (bouche et joues rosées à souhait) si séduisants, n'est finalement qu'une image, susceptible d'être manipulée, déformée, distordue. L'artiste appliquera ce même type de procédé à un autre genre, celui du paysage.
Yves Christen