En immersion dans une triple projection, panoramique, les spectateur·trice·s entrent frontalement dans des récits de vie qui ont eu lieu entre Calais et Briançon. L'installation vidéo révèle des paroles récoltées auprès de personnes exilées, bénévoles et militantes. Les unes témoignent des conditions de déplacements parfois au péril de leurs vies, les autres dénoncent les aberrations du système en termes de politique migratoire. Chaque voix a le temps de s'ancrer sur un fond de paysage naturel et urbain, filmé sans présence humaine et avec un son ambiant. Ce sont les « espaces de l'inhospitalité » tels que l'artiste les nomme, ou zones frontalières, qui comportent des obstacles naturels autant que ceux érigés intentionnellement et qui s'ajoutent aux contrôles policiers. Flux paysagers et contraintes, présentés de manière aussi esthétique que menaçante, accompagnent et amplifient les paroles. D'un premier travail photographique à Calais en 2016, Chemin des Dunes, Elisa Larvego a poursuivi sa recherche pour réaliser Des allers vers, post-« jungle de Calais », et aborder la situation critique de la mobilisation citoyenne en France quant à l'accueil et soutien aux réfugié·e·s.
Au fil de ses recherches, l'artiste explore les liens qui se tissent entre territoires et individus pour les traduire photographiquement ou filmiquement. Tout en valorisant l'expérience qu'elle vit avec les protagonistes de ses images, elle choisit des lieux isolés, marginalisés, autant géographiquement que socialement. Ainsi, zone à défendre, anciennes communautés hippies au sud du Colorado ou frontière américano-mexicaine sont quelques exemples documentés, tel un travail de mémoire où le paysage a toujours une forte présence évocatrice. En filigrane de son corpus d'images, l'artiste porte en outre une attention particulière aux éléments sculpturaux, qu'ils soient trouvés, fabriqués pour se protéger, matériel de travail, constituant une forme d'archéologie de la société contemporaine ou autres portraits en creux.
Marie-Eve Knoerle