Shahryar Nashat explore les interactions entre le corps humain, animal ou technologique, et leurs médiations à travers la vidéo, la sculpture et l'installation. Fasciné par la vulnérabilité et la mortalité, il interroge l'impact des prothèses et technologies qui prolongent ou modifient le corps. Formé à Genève et à Amsterdam, il a enseigné à Los Angeles avant de s'installer à Paris. Ses oeuvres, souvent présentées dans des institutions majeures comme le MoMA ou la Kunsthalle Basel, abordent les liens entre le désir, la matérialité et la numérisation de l'existence. Elles invitent à repenser les perceptions du corps contemporain.
Un genou, seul. Filmé de près, posé sur un marbre vert, frais. L'homme roule son pantalon, dévoile la peau nue dans un geste lent, presque érotique. Ce genou avance, mécanique, dans les galeries du Museum Folkwang à Essen. Il ne marche pas, il glisse, heurté, saccadé, comme désincarné. Nous passons des salles, des oeuvres, des couloirs. L'art est là, silencieux, figé, tandis que ce fragment de corps continue son étrange trajectoire. Aucun visage. Parfois un torse, brièvement. Mais toujours ce genou, ce point d'appui. Un fond vert apparaît. Le vert des techniques modernes, des surimpressions. Le genou se superpose, se dédouble. Des jambes masculines surgissent, photographiées, tirées d'archives ou d'autres oeuvres. La chair et l'art se confondent, se répondent. Puis des pages tournent, lentement, au rythme de l'image. Les pages d'un livre. Comme une lecture. Comme une promenade. Entre les musées et les corps, il n'y a plus de frontière. Tout est là : la machine, le geste, l'humain réduit à ses fragments. Une exploration froide et intime, presque chirurgicale. Le genou devient une idée, un concept, un objet d'étude. Le désir et la distance s'entrelacent. Et dans ce voyage immobile, Shahryar Nashat fait du corps une carte, un paysage à déchiffrer, à rêver, à comprendre autrement.
Kate Reidy