Elisa Larvego se préoccupe des sociétés en marge dont elle restitue ses observations en élaborant des séries photographiques ou des vidéos. Elle s'intéresse surtout aux rapports, souvent créatifs, que ces communautés entretiennent avec leur environnement. Si le rendu de ses enquêtes garde un lien avec la forme documentaire, l'élaboration de ses images privilégie le temps long, le hors-champ et les mouvements collectifs. Ses œuvres sont moins des représentations d'une situation donnée que le résultat de l'expérience d'une existence partagée avec les communautés auxquelles elle s'intéresse. Ainsi ses projets l'ont menée à rendre visibles les modalités d'existence d'une communauté divisée entre le Mexique et le Texas, les conditions de vie des réfugiés et bénévoles dans la « jungle » de Calais ou à s'intéresser à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Cette zone à défendre (ZAD) s'est établie dans la continuité d'un mouvement de résistance contre le projet de construction d'un aéroport en Loire-Atlantique. Elle est aussi devenue le symbole d'un lieu d'expérimentation pour habiter et faire société autrement dans un esprit anticapitaliste et antiautoritaire. Pourtant, cette série ne donne aucune image de la ZAD ni de ses résistants. Elisa Larvego choisit de la présenter en creux en se concentrant sur les chicanes qui mènent au camp. Avec un regard à la fois descriptif et poétique, elle souligne ces gestes créatifs qui agissent sur l'environnement afin de le rendre plus habitable. Vidées de toute présence humaine, les images de l'artiste évoquent ces constructions conçues de bric et de broc révélant leur caractère pauvre et éphémère. Elles montrent les mesures mises en œuvre pour avoir le droit à une autre forme de vie et les moyens quelque peu dérisoires mis en place pour se battre contre le système. Exposées au centre de l'image, ces structures prises dans leur déliquescence ou dans leur processus de construction ne nous disent pas si elles se situent après la bataille ou si le combat est à venir.
Catherine Pavlovic